vendredi 26 juillet 2013

Jardin Paysager.

Professor Bourbaki, IMG_0401, 2013.

On lit dans Zhuangzi (XXIV): "les ermites sont cachés dans les monts et les bois, se nourrissent de glands et de châtaignes, de poireaux et de ciboulette". Même si les lettrés chinois - et ici, les influences du taoïsme et du bouddhisme pour une fois se conjuguent - rêvent volontiers de retraite en montagne ou de vie érémitique, il s'agit plutôt d'un "sentiment de la nature" et d'un aimable fantasme qu'ils ont plaisir à entretenir, d'une nostalgie cultivée, d'une sorte d'idéal aux vertus consolatrices qu'ils évoquent quand leurs occupations excessives ou les ennuis du quotidien les oppressent. 

Car si tous en rêvaient, ceux qui avaient les moyens financiers de réaliser luxueusement leurs désirs bucoliques n'étaient pas nombreux; plus exactement, chacun devait s'accommoder de sa situation et, selon les cas, le parc idéal se muait en jardin, le jardin, en sadinet, le terrain, en lopin... et quand cela même était hors d'atteinte, un humble pot tenait lieu de campagne. 

Le sommet de la sophistication et de l'abstraction est atteint avec un jardin sur le papier, lorsqu'un Liu Shilong interroge: "Pourquoi n'aurais-je pas un jardin sur le papier? Paysage né de la vision intérieure, formes créées par le pinceau, je peux en jouir tout à loisir, sans dépense et sans effort. Que peut souhaiter de mieux un lettré impécunieux? S'il y a des limites à une construction réelle, il n'y en a pas à une construction imaginaire, c'est pourquoi mon jardin est si beau". 

A part ce cas extrême et vraiment extraordinaire, il faut donc prendre avec certaines précautions les déclarations, les lettres, les poèmes des écrivains sur le sujet. Cela vaut en particulier pour Li Yu, qui, s'il ressentit le besoin d'un refuge lors des troubles de la fin des Ming avec l'arrivée des Mandchous, fut d'autre par loin de vivre en anachorète et s'arrangea toujours habilement pour concilier une vie que nous dirions mondaine avec les plaisirs d'une existence aux champs. Sa retraite à la campagne fut en réalité un jardin en ville, c'est-à-dire concrètement un domaine, même réduit, où il put vivre (et écrire) à son aise durant ses moments de loisir et se cacher de façon très relative en jouissant des agréments d'un jardin, faute d'un parc, avec des plantations à son goût. Il lui fallut du temps, il lui fallut aussi, bien qu'il fût un des très rares écrivains à réussir à vivre de son pinceau et même, à certaines périodes, à être presque riche, trouver les sommes nécessaires pour parvenir, assez tardivement, à "acheter une (retraite en) montagne où se retirer" (maishan er yin); ce n'était nullement grandiose, et il baptisa d'ailleurs l'endroit jianzheju, "la demeure d'un humble". 

Il se plaint aussi quelque part de ne pouvoir planter autant qu'il le voudrait, ce qui nous ramène encore à la réalité et à son cher mais minuscule Jardin-graine de moutarde. Comme le nom l'indique, on ne pouvait guère faire plus petit, mais qu'importe! c'était son domaine; cela devint rapidement, en même temps, le nom de la maison d'édition qu'il fonda, et la célébrité qu'il lui acquit compensa, on veut le croire, l'exiguïté relative de l'endroit. 

Si le jardin ne permettait que des aménagements ou des fantaisies adaptés à ses dimensions, il n'empêchait nullement - après tout, les Chinois sont aussi inventeurs des penjing, "paysages en pot" ou jardins en miniatures, les ancêtres des bonsaï japonais - son propriétaire de s'abandonner à ses songeries et d'être un expert reconnu dans l'art des jardins, comme ce fut le cas de Shi Tao, Yuan Mei, Cao Xueqin et bien d'autres. 

Or il s'agit ici non seulement de jardinier, mais, si l'on ose dire, de jardiner le paysage, de concilier avec talent, dans un espace donné, plantations et paysage, de faire ce que les Anglais appellent du landscape gardening; nous avons l'expression de "jardin paysager" et il faudrait peut-être parler ici de jardin-paysage, car il s'agit en réalité d'opérer une véritable création ou recréation d'un panorama, d'un paysage complet! d'opérer une véritable création ou recréation d'un panorama, d'un paysage complet! Choisir et distribuer des plantes selon la topographie est à la portée de quiconque, mais ce qu'on attend d'un maître, c'est qu'en creusant ici des étangs, en élevant là des montagnettes, en disposant ailleurs des rocs ou des "falaises", il modèle ou remodèle le terrain, qu'il intervienne habilement pour, en somme, truquer et recomposer le paysage avec tant d'art que soit recréée l'illusion parfaite de paysages naturels... et que devant la réussite de tant d'artifices les confrères lettrés et artistes ne puissent que soupirer tous d'admiration! 

Car, à moins de trouver son bonheur en vivant de riz grossier et d'eau et en dormant avec son bras replié pour oreiller" - selon les paroles de Confucius - reclus dans une grotte de montagne, la nature à l'état brut ne suffit pas, ou plutôt, elle ne suffit pas à combler les esthètes chinois. Ils entendent la perfectionner, lui adjoindre la touche artistique qui leur permettra de s'y enchanter comme le demande leur culture. Cette valeur esthétique ajoutée culmine d'une part dans l'agencement et l'ameublement de leur demeure (et, à l'intérieur de la demeure, dans l'arrangement de la salle principale et surtout du studio-bibliothèque avec les tableaux, livres, bibelots, rares meubles), et d'autre part, dans leur jardin-parc, qui fut souvent le point de départ de tous les aménagements de leur cadre de vie. Il constitue une sorte d'écrin primordial plein de cachettes, de recoins, de détours révélant à chaque instant de nouveaux aspects et de nouvelles vues, regorgeant de surprises, de beautés selon leur goût, et qui doit idéalement être un véritable modèle réduit du monde. 

Cet univers reconstitué avec pour éléments essentiels, symboliques, la montagne et l'eau (cette association des deux mots signifiant en chinois: paysage) pourra devenir le lieu idéal d'une vie retirée où s'adonner aux loisirs raffinés, aux "passe-temps sublimes" des lettrés, à la poésie, à la méditation, à la quête d'un perfectionnement spirituel. 

Puisqu'on a parlé précédemment d'obstacles pécuniaires, il est juste de dire qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une fortune pour réaliser pareille retraite, et qu'un terrain de superficie très modeste peut y suffire, comme le prouvent les beaux jardins privés qu'on peut encore de nos jours visiter à Suzhou (le Wangshiyuan, le jardin du maître des filets, par exemple, ne couvre guère qu'un demi-hectare). 

Généralement enfermés derrière de hauts murs, ils offrent au regard du promeneur un espace très structuré et fragmenté où constructions, rochers artificiels, plans d'eau et plantations sont distribués de telle sorte qu'on ne cesse de sinuer au gré de sentiers dont les méandres, savamment dessinés, ont pour fonction, outre le plaisir d'y muser, de faire découvrir de nouveaux points de vue au bout de quelques pas. On y chemine, certes, mais on s'y arrête constamment pour apprécier les changements de perspectives et même de paysage, pour goûter les ruptures de rythme, les délicieuses surprises ou mise à distance, pour considérer les éléments qui en font l'ornement - kiosques, rocs, lumières, galeries couvertes zigzagantes, murs, plantes telles que bambous, bananiers, pins, fleurs - et pour qu'au bout d'un moment on se trouve captivé et comme doucement grisé à la fois par les détails et l'ensemble. Enfin, après bien des haltes, les effets cumulés des beautés multiples et subtiles qu'on a admirées semblent, à la façon des touches de couleur dans une peinture impressionniste, fusionner dans l’œil mais surtout dans l'âme du flâneur: il se sent progressivement gagné par une sorte de joie intime, de paix recueillie, et s'il peut alors, une fois sorti, s'asseoir dans un endroit tranquille pour récapituler en esprit les sites qu'il vient de traverser ou de voir, il croit avoir fait une longue randonnée au cours de laquelle lui ont été offerts des panoramas multiples à la fois immenses et minuscules. Ce qui a opéré, c'est l'art du maître qui conçut ces paysages et qui, par savantes évocations ou de simples allusions, a réussi à susciter chez le spectateur une étrange synthèse, à réaliser une mystérieuse alchimie visuelle et mentale: c'est bel et bien un charme, au sens originel d'opération magique, s’exerçant sur le cœur et l'esprit, et qui y succombe en ressent longuement les effets. 

Ce qui n'est ici que l'impression d'un simple barbare attentif a été, dès les premiers siècles de notre ère, éprouvé, pensé, conceptualisé, (on a envie de dire mis au point comme une suite de stratagèmes) par les poètes chinois. Ces conceptions, dont l'exposé élaboré forme quasiment un genre de la littérature descriptive ou essayiste, sont partagées par la plupart des lettrés; elles font partie de leur patrimoine mental et esthétique, et ils les ont découvertes ou affinées aussi bien dans leurs promenades que dans la lecture, ou la composition, d'essais littéraires ou de poèmes en prose. Li Yu, qui comme les autres s'en est nourri, prendra le pinceau pour y ajouter, lorsqu'il l'estime utile, ses idées et ses inventions personnelles. Sa curiosité intarissable et portant sur tous les domaines est remarquable, mais l'unité de sa pensée ne l'est pas moins, et elle se marque autant dans l'art d'aménager les jardins que dans celui d'aménager les maisons. De plus, il n'aime ni répéter ce que d'autres ont déjà dit, ni paraître donner pour nouveauté ce que beaucoup connaissent; cela explique probablement qu'il ne parle pas des constructions (kiosques, belvédères, galeries) si importantes dans les jardins chinois; en revanche, il a des exposés à faire sur l'aménagement du terrain, le creusement d'étangs et l'édification d'éminences de rocs ou de terre, l'adjonction de rochers bizarres, et on les trouvera dans les pages qui suivent. Ensuite viendront ses idées, assorties de ses préférences, sur les plantations qui complètent les bonheurs qu'on peut attendre d'un jardin. 

Jacques Dars, Le Jardin in Les Carnets Secrets de Li Yu, Un Art du Bonheur en Chine, Éditions Philippe Picquier, 2003, p.77-84.

vendredi 19 juillet 2013

Les Contraintes.

Prudence Dudan, On s'est battu pour des minuscules morceaux d'espaces, 2009.

Au pays des contraintes l’énigme est reine. La positon que les Oulipiens occupent par rapport à la dissimulation ou au dévoilement des contraintes, question fort débattue au sein du groupe, varie d'un auteur à l'autre. Certains promeuvent l'invisibilité et la dissimulation des contraintes (Queneau, Mathews). D'autres, tels que Perec et Calvino, les affichent, les énoncent explicitement ou bien se contentent d'en livrer certaines clés (1). Il existe plusieurs raisons ne pas dévoiler les contraintes utilisées. Les textes à contraintes se heurte encore fréquemment de la part des lecteurs à un rejet à priori, ou bien les incite à un déchiffrement qui peut faire passer au second plan le contenu du texte. Le recours à l'énigme qui naît du dévoilement partiel des contraintes, à l'intérieur des textes ou dans des commentaires auctoriaux, est alors une stratégie permettant à la fois de négocier l'acceptation du texte et de décourager une lecture réductionniste. 

Italo Calvino et Georges Perec ont, dans de nombreux textes, marqué leur communauté d'intérêts et d'approches (2). Ainsi, Calvino a donné une analyse de La Vie mode d'emploi (3), et a consacré la cinquième de ses Leçons américaines au roman comme encyclopédie, leçon qui se termine sur un retour à Perec, à Queneau et à l'Oulipo (4). De son côté, Perec a reconnu à plusieurs reprises sa dette envers Calvino et fait de nombreux emprunts à son œuvre (5). La douzième section d'Espèces d'espaces s'ouvrent sur un long fragment de la nouvelle "Le signe dans l'espace" (6). Dans le Cahier des charges de La Vie Mode d'emploi, Calvino est l'un des vingts auteurs qui, groupés en deux série de dix et permutés selon les règles du bi-carré latin, fournissent les deux citations implicites prévues, en principe, dans chaque chapitre du roman.

La suite ici.

Manet van Montfrans, L'Enchâssement des Énigmes. Les Villes Invisibles de Calvino dans La Vie Mode d'Emploi de Perec in Christelle Reggiani et Bernard Magné (dir.), Écrire l'Énigme, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2007, p.115-116.

Notes

1. Voir à ce sujet la typologie du statut de la contrainte donnée par Marc Lapprand (Poétique de l'Oulipo, Amsterdal-Atlanta, Rodopi, 1998, p.48-53). Il n'y a dissimulation totale que lorsque la contrainte est invisible et reste implicite. Dans les trois autres cas - contrainte explicite-visible, contrainte explicite-invisible, contrainte implicite-visible - l'auteur donne certaines clés.
2. Perec entre à l'Oulipo en mars 1967. Calvino est élu correspondant étranger en février 1973, et devient membre de plein exercice en 1980.
3. Italo Calvino, "Perec et le saut du cavalier", La Repubblica, 16 mai 1984, repris dans Pourquoi lire les classiques, Paris, Seuil, 1996 (1983), p.232-239. Dans les notes, je renvoie aux traductions françaises consultées. Les dates données entre parenthèses correspondent à celles des premières parutions en français.
4. Italo Calvino, "Multiplicité", Leçons américaines, Paris, Seuil, coll. Points, 2001 (1989), p.190-193.
5. L'index des noms propres des Entretiens et Conférences (éd. critique établie par Dominique Bertelli et Mireille Ribière, Nantes, Joseph K., 2003) montre qu'à partir de 1978, Calvino compte parmi les auteurs les plus souvent mentionnés par Perec.
6. Italo Calvino, Cosmicomics, Paris, Seuil, coll. Points, 2001 (1968), p.43-55.

vendredi 12 juillet 2013

Fonctionnement Technique.

Ida Tursic & Wilfried Mille, 02:13'08" Le Sacrifice (After Andreï Tarkovski), 2010 (via NDLR).

La Suisse et la Hollande, c'est-à-dire deux des États les plus policés et les mieux organisés d'Europe, chez lesquels l'ordre n'est pas seulement un produit du mécanisme politique et bureaucratique de l'État, mais une caractéristique naturelle du peuple, n'offrent pas, à l'application de la tactique insurrectionnelle communiste, des difficultés plus grandes que la Russie de Kerenski. Quelle considération peut dicter une affirmation aussi paradoxale ? Celle-ci, que le problème du coup d'État moderne est un problème d'ordre technique. L'insurrection est une machine, dit Trotsky : il faut des techniciens pour la mettre en mouvement, et seuls des techniciens peuvent l'arrêter. La mise en mouvement de cette machine ne dépend pas des conditions politiques, sociales, économiques du pays. L'insurrection ne se fait pas avec les masses, mais avec une poignée d'hommes prêts à tout, entraînés à la tactique insurrectionnelle, exercés à frapper rapidement, durement, les centres vitaux de l'organisation technique de l'État. Cette troupe d'assaut doit être formée d'équipes d'ouvriers spécialisés, mécaniciens, électriciens, télégraphistes, radio-télégraphistes, aux ordres d'ingénieurs, de techniciens connaissant le fonctionnement technique de l'État.

Voir également ici.

Curzio Malaparte, Technique du Coup d'État, Les Cahiers Rouges, Éditions Grasset, 1932 (1966), p.77-78.

Merci à M.S.

Post scriptum :

M. Jean Chiappe, à qui j'avais envoyé, en 1931, un exemplaire de ma Technique du Coup d'État avec cette dédicace : "A M. Jean Chiappe, technicien du coup d'arrêt", m'écrivit qu'autant mon livre était dangereux entre les mains des ennemis de la liberté, aussi bien de droite que de gauche, autant il était précieux entre les mains des hommes d'État, auxquels incombait la responsabilité de défendre les libertés démocratiques. "Vous apprenez aux hommes d'État, ajoutait-il, à comprendre le phénomènes révolutionnaires de notre temps, à les prévoir, à empêcher les séditieux de s'emparer du pouvoir par la violence". Peut-être les défenseurs de l'État ont-ils su profiter bien plus de la leçon des événements que de la lecture de mon ouvrage. Le seul mérite de ma Technique du Coup d'État serait-il d'avoir appris aux défenseurs de la liberté comment il faut interpréter les événements, et quelle est la leçon qu'il faut en tirer ? (p.12)

vendredi 5 juillet 2013

Strategic Loci.

Denis Diderot, Système Figuré des Connaissances Humaines, 1751.
 
SCIENCE IN SOCIETY

Let us start with a statement of the obvious : science and technology are powerful forces in modern industrialised society and are accordingly of vital and indirect importance to many. Of course they are of central interest to scientists and science policy-makers, but they also concern parties as diverse as big industry, the military, governments, lobbies, groups of concerned citizens and the general public which may be both excited by and feel powerless in the face of scientific advance. At the same time, however, their inner workings remain opaque. The way in which their force is created and deployed is obscured by the wide range of ways in which this can occur, and by the myth-making that surrounds the whole process.

In this book we present an approach which is designed to clear such opacity. This approach permits a description of the way in which the force of science is put together (and taken apart) in the everyday activities of scientists. It also makes it possible to depict the development of domains of science by means of a method called co-word analysis. The book is thus a contribution to the study of the dynamics of science, and will be of interest to scholars in that field, to science policy-makers and, it is hoped, to scientists themselves. However, there is also a wider claim : that an understanding of the dynamics of science is only possible when the force of science in present-day societies is taken into account. Our way of starting on this task is not to present a full-blown analysis of society and social change. Rather it is to adopt a method that does not distinguish on a priori grounds between 'science' (which is purportedly about the 'truth') and 'politics' (which supposedly concerns 'power'). It is our argument that a proper understanding of social and scientific change requires the abandonment of this dichotomy.

Touraine, in one of his historical panoramas (Touraine, 1973), has attempted to identify the strategic loci in society, the hubs of change where developments are shaped and society is transformed. After the medieval monastery and cathedral, the palace became the strategic locus during the Renaissance. Only after the first phase of the Industrial Revolution was this replaced by the industrial firm, while now, according to Touraine, it is the laboratory that has, in turn, displaced the industrial firm. The argument, then, is that as a class, laboratories currently exercise crucial social power. At present it is difficult to enter into political or social struggle, or issue a challenge that might transform society, without seeking at least some support from science, its achievements and its social status. In their attempts to exert some force on society, actors typically pass through the laboratory : they wield the scientific or the technological in their attempts to transform society. Our argument, documented in the chapters that follow, is thus, that to understand our societies and their transformations we have to follow the actors and uncover the fact that not only palaces but also laboratories lie along their paths. Our study of social structure and social change thus follows Touraine's injunction to study the strategic locus of the laboratory.

Our central methodological prescription has already been stated : it is to 'follow the actors' both as they attempt to transform society and as they seek to build scientific knowledge or technological systems. But to put it this way is already misleading. In particular, it is vital not to be diverted by the myth that says that there is a gap between science and politics and that the two are, or should be, separate. Our argument which follows that of Latour (1983, p.168) is that science is politics by other means and, accordingly, that the study of science takes us straight into politics. For outsiders science and technology may take the role either of a demon or a god (Weber, 1948), while insiders mobilise both the 'scientific' and the 'political' in their endless struggles. The idea that there is a special scientific method, a realm where truth prospers in the absence of power, is a myth. Indeed, it is particularly important to follow actors closely when they enter strategic loci, for it is often in the interests of the forces at work to conceal the way they act. 

Michel Callon, John Law & Arie Rip, How to Study the Force of Science in Mapping the Dynamics of Science and Technology, The Macmillan Press, 1986, p.3-4.

Bibliography.

Latour, B., (1983), Give Me a Laboratory and I will Raise the World in Knorr-Cetina, K.D. & Mulkay, M., (eds.), The Social Process of Scientific Investigation, Sociology of the Sciences Yearbook, vol.4, Reidel : Dordrecht & Boston, p.141-170.
Touraine, A., (1973), Production de la Société, Le Seuil : Paris.
Weber, M., (1948), Politics as a Vocation in Gerth, H. & Mills, C.W., (eds.), From Max Weber, Essays in Sociology, Routledge & Kegan Paul : London, p.77-128.